Par un arrêt en date du 15 novembre 2017, la Cour de cassation a jugé que la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif peut valablement se prévaloir des condamnations prononcées au profit de la société apporteuse, à laquelle elle se trouve substituée, la circonstance que lesdites condamnations aient été rendues postérieurement à la réalisation de l’apport étant indifférente. En conséquence, la société bénéficiaire de l’apport a qualité et intérêt pour déclarer la créance, dont l’existence a été judiciairement reconnue au profit de la société apporteuse, au passif de la société débitrice placée en redressement judiciaire (Com., 15 novembre 2017, n°16-20168).
Les faits étaient les suivants :
- Un contrat d’apport partiel d’actif est conclu entre deux sociétés le 18 octobre 2004 à effet rétroactif au 1er février 2004 ;
- Par arrêt en date du 8 février 2005, devenu irrévocable, la société apporteuse est reconnue titulaire d’une créance à l’encontre d’une société tiers ;
- En 2010, la société tiers débitrice est placée en redressement judiciaire et la société bénéficiaire déclare la créance litigieuse à son passif.
La société débitrice placée en redressement judiciaire conteste la déclaration de créances faite par la société bénéficiaire de l’apport partiel d’actif et soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir. La société débitrice reproche ainsi à la société bénéficiaire de ne pas s’être substituée à la société apporteuse dans l’instance ayant constaté l’existence de la créance litigieuse, la qualité de créancière devant alors, selon elle, être reconnue à la seule société apporteuse, puisque l’apport a été réalisé antérieurement au dépôt des conclusions et à la clôture des débats.
La Cour d’appel saisie rejette la fin de non-recevoir et la société débitrice forme un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que « l’arrêt, après avoir exactement énoncé que, placé sous le régime des scissions, cet apport partiel a emporté, pour la branche d’activité concernée, la transmission universelle des biens, droits et obligations de la société [apporteuse] à la société [bénéficiaire], retient que celle-ci, pouvait se prévaloir des condamnations prononcées au profit de la société [apporteuse] à laquelle elle se trouvait substituée, peu important que la décision ait été rendue après la réalisation de l’apport ». La société bénéficiaire de l’apport partiel d’actif avait donc bien qualité et intérêt à déclarer la créance judiciairement consacrée (Com., 15 novembre 2017, n°16-20168).
Observations : L’apport partiel d’actif, placé sous le régime des scissions, emporte de plein droit transmission universelle de patrimoine, c’est-à-dire, lorsque cet apport porte sur une branche d’activité d’une société, transmission de l’ensemble des biens, droits et obligations relatifs à cette branche d’activité (Com., 5 mars 1991, n°88-19629 ; 12 février 2013, n°11-23895), en ce compris les actions en justice y afférentes, et ce, nonobstant toute erreur et/ou omission dans le traité d’apport quant au patrimoine transmis. La société bénéficiaire de l’apport, en sa qualité d’ayant cause universel, acquiert donc de plein droit la qualité de partie aux instances antérieurement engagées par la société apporteuse à laquelle elle se trouve substituée, peu important que le jugement ait été rendu au profit de la société apporteuse après la réalisation de l’apport (Civ.2ème, 7 janvier 2010, n°08-18619) et peut se prévaloir des condamnations prononcées au profit de la société apporteuse (Com., 21 octobre 2008, n°07-19102). La société bénéficiaire n’a donc nullement besoin d’intervenir à l’instance en cours au jour de la réalisation de l’apport.
Il s’en déduit, entre autres, qu’en cas de transmission universelle de patrimoine :
- La société bénéficiaire de l’apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions a qualité pour interjeter appel d’un jugement rendu à l’encontre de la société apporteuse (Civ.2ème, 25 octobre 1995, n°93-19626 et 93-19627).
- L’expiration du délai de deux ans pour exercer un recours à titre principal, en cas de défaut de notification du jugement à l’égard de la société apporteuse ayant comparu en première instance, est opposable à la société bénéficiaire (Civ.2ème, 7 janvier 2010, n°08-18619).
- L’autorité de chose jugée d’une décision de justice rendue à l’encontre de la société apporteuse est opposable à la société bénéficiaire (Com., 18 février 2004, n°02-11453).