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Dans un souci de protection des consommateurs, le code de la consommation institue un délai de prescription spécial pour les actions intentées par les professionnels à l’encontre des consommateurs.
Ainsi, l’article L.218-2 du code de la consommation dispose-t-il que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans[1].
La Cour de cassation est récemment venue modifier le régime de cette prescription biennale.
I. Champ d’application
Ce délai de prescription spécial s’applique aux actions intentées par les professionnels à l’encontre des consommateurs qui ont pour fondement un contrat relatif à des biens ou services.
a. Les parties au contrat
La prescription biennale s’applique aux seules actions intentées par les professionnels à l’encontre des consommateurs. Sont donc exclues les actions entre professionnels, entre professionnel et non-professionnel ou intentées par un consommateur à l’encontre d’un professionnel.
Il importe donc de bien cerner ce que recouvrent les notions de professionnel et de consommateur.
Le professionnel est défini comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel[2].
Le consommateur se définit, quant à lui, comme toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole[3].
b. Les contrats
Le délai de prescription spécial institué par le code de la consommation s’applique aux seules actions fondées sur les contrats, conclus entre les professionnels et les consommateurs[4].
i. Principe
L’article L.218-2 du code de la consommation édicte une règle de portée générale[5].
Il a alors vocation à s’appliquer à tous les contrats relatifs à une vente ou une prestation de services[6], quels qu’ils soient, qu’ils concernent des biens mobiliers ou immobiliers[7], corporels ou incorporels, des prestations matérielles ou intellectuelles[8]…
ii. Applications
Par exemple, sont soumises à la prescription biennale les actions en paiement des sommes devenues exigibles en exécution de prêts consentis par des professionnels à des consommateurs, quels que soient la nature ou le montant desdits prêts[9]. Il en est ainsi, notamment, pour les crédits immobiliers[10] ou même pour un contrat de prêt ne relevant pas des dispositions du code de la consommation[11].
Autre exemple, le délai de prescription spécial institué par le code de la consommation s’applique à l’action en paiement du solde du prix de l’immeuble vendu en l’état futur d’achèvement[12].
A l’inverse, l’usager, bénéficiaire du service public de l’enlèvement des ordures ménagères, n’est pas lié à ce service par un contrat. Dès lors, le délai dont dispose une collectivité publique pour émettre un titre exécutoire, aux fins d’obtenir paiement de la redevance qu’elle a instituée, n’est pas soumis à la prescription biennale[13].
c. Les actions
La prescription biennale s’applique à toutes les actions (sauf dispositions particulières) fondées sur les contrats susvisés : action en nullité, en paiement, en résolution/résiliation…
II. Délai
Toute action d’un professionnel à l’encontre d’un consommateur pour les biens ou services qu’il lui fournit se prescrit par deux ans[14].
En revanche, l’action des consommateurs à l’égard des professionnels se prescrit selon le délai de prescription de droit commun, c’est-à-dire cinq ans[15]. De même, pour l’action intentée entre commerçants ou entre commerçant et non-commerçant[16].
III. Point de départ
a. Le principe
Si l’article L.218-2 du code de la consommation prévoit un délai de prescription d’une durée de deux ans, il n’en fixe pas le point de départ.
La jurisprudence a alors reconnu applicables à la prescription biennale les dispositions de l’article 2224 du code civil. Ainsi, le délai de prescription spécial institué par le code de la consommation court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer[17].
Néanmoins, cette formulation, générale, se révèle parfois délicate à appliquer. La jurisprudence a, là aussi, dû intervenir pour en préciser la portée concrète.
b. Les applications
i. Honoraires des avocats
Il a été retenu que la prescription de l’action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mission a pris fin[18], et non au jour, indifférent, de l’établissement de la facture[19].
ii. Prêt viager hypothécaire
Dans le cas d’une action en recouvrement d’un prêt viager hypothécaire, le point de départ de la prescription biennale est fixé à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l’identité des héritiers de l’emprunteur[20].
iii. Crédit immobilier
En matière de crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur et payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même. Elle court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.
Ainsi, l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives. L’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité[21].
iv. Travaux et services
Dans le cas d’une action en paiement de travaux et services intentée par un professionnel à l’encontre d’un consommateur, il était, jusqu’à peu, jugé que le point de départ de la prescription biennale devait être fixé au jour de l’établissement de la facture du professionnel[22].
Cela plaçait alors entre les mains des professionnels le déclenchement du délai de prescription.
La solution contraire est retenue pour l’action en paiement de factures formée contre un professionnel. Celle-ci est soumise à la prescription quinquennale de l’article L.110-4 du code de commerce. Elle se prescrit à compter de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’agir, pouvant être fixée à la date de l’achèvement des prestations, et ce, indépendamment de la date d’établissement de la facture[23].
Actualité. Dans un arrêt en date du 19 mai 2021, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence. Elle juge désormais qu’il y a lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action à l’encontre du consommateur, laquelle peut être caractérisée par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations[24]. Il s’agissait en l’espèce de travaux de gros œuvre relatifs à la construction d’une maison d’habitation.
Ce faisant, la Cour de cassation unifie les points de départ des prescriptions biennale et quinquennale des actions en paiement de travaux et services.
Moralité : Le professionnel a tout intérêt à émettre sa facture dès l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, ladite facture ne faisant plus courir le délai de prescription. On rappellera d’ailleurs que la facture du professionnel doit, en principe, être émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services[25].
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[1] Ne seront pas évoqués ici les différents textes pouvant prévoir des règles particulières de prescription à certains contrats conclus entre professionnels et consommateurs (par exemple, en matière de crédit à la consommation, article R.312-35 du code de la consommation).
[2] Article liminaire du code de la consommation
[3] Article liminaire du code de la consommation
[4] Civ.1ère, 09/06/2017, n°16-21.247 (pas d’application à la gestion d’affaires)
[5] Civ.1ère, 20/05/2020, n°18-25.938 et 19-19.675
[6] Dans le sens le plus large conféré à ce terme
[7] Civ.1ère, 17/02/2016, n°14-29.612
[8] Civ.2ème, 26/03/2015, n°14-15.013 (action en paiement des honoraires d’un avocat)
[9] Civ.1ère, 20/05/2020, n°18-25.938 et 19-19.675
[10] Civ.1ère, 28/11/2012, n°11-26.508
[11] Civ.1ère, 26/09/2018, n°17-16.631. En revanche, la prescription biennale ne s’applique pas à l’acte de prêt immobilier volontairement soumis aux dispositions du code de la consommation (Civ.1ère, 03/11/2016, n°15-23.405). Il s’agissait de prêts accordés par une banque à une société civile immobilière.
[12] Civ.1ère, 26/10/2017, n°16-13.591
[13] Civ.1ère, 04/07/2019, n°19-13.494
[14] Article L.218-2 du code de la consommation
[15] Article 2224 du code civil
[16] Article L.110-4 du code de commerce
[17] Civ.1ère, 16/04/2015, n°13-24.024 et 11/05/2017, n°16-13.278
[18] Civ.2ème, 10/12/2015, n°14-25.892
[19] Civ.2ème, 04/10/2018, n°17-20.508
[20] Civ.1ère, 11/05/2017, n°16-13.278
[21] Civ.1ère, 11/02/2016, n°14-28.383
[22] Civ.1ère, 03/06/2015, n°14-10.908 et 09/06/2017, n°16-12.457
[23] Com., 26/02/2020, n°18-25.036
[24] Civ.1ère, 19/05/2021, n°20-12.520. L’arrêt est également intéressant en ce qu’il module dans le temps les effets de son revirement. Ainsi, ladite décision n’est pas appliquée rétroactivement aux faits de l’espèce. « L’application de la jurisprudence nouvelle à la présente instance aboutirait à priver la société Veronneau, qui n’a pu raisonnablement anticiper une modification de la jurisprudence, d’un procès équitable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant l’accès au juge, de sorte qu’il est justifié de faire exception au principe de cette application immédiate ». Il en résulte la survie de l’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation fixant le point de départ de la prescription biennale au jour de l’établissement de la facture dans l’hypothèse où le nouveau point de départ, tel que fixé par la Cour de cassation dans son arrêt du 19/05/2021, « affecte irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l’état du droit applicable à la date de leur action ».
Cf également Civ. 3ème, 01/03/2023, n° 21-23.176