La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, qui a déclaré l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour une durée initiale de 2 mois, prorogée au 10 juillet 2020 inclus[1], autorise notamment le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure modifiant, dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties.
En conséquence, a été adoptée une ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période[2].
En matière contractuelle, l’exécution des obligations n’est pas impactée en elle-même par l’état d’urgence sanitaire : les contrats doivent continuer d’être exécutés, en principe. Seul le jeu de certaines clauses est paralysé, dont les suivantes visées à l’article 4 de cette ordonnance :
1. Alinéa 1er : « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période » dite « juridiquement protégée » comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus[3].
Champ d’application.- Il s’agit des astreintes et clauses susvisées qui auraient dû prendre cours ou produire effet au cours de la période juridiquement protégée.
Schématiquement, elles peuvent être définies comme suit :
- Astreinte : elle constitue une somme d’argent due par le débiteur au créancier par jour/semaine/mois de retard dans l’exécution d’une obligation, indépendamment d’éventuels dommages et intérêts ;
- Clause pénale : elle prévoit une somme d’argent forfaitaire fixée à l’avance et due par le débiteur au créancier en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution de l’obligation à titre de dommages et intérêts ;
- Clause résolutoire : elle permet l’anéantissement (résolution) du contrat de plein droit en cas d’inexécution de l’obligation ;
- Clause prévoyant une déchéance : elle emporte perte d’un droit ou d’un bénéfice en cas d’inexécution de l’obligation.
Ne sont donc pas visés les intérêts de retard qui continuent de courir. Ni même toutes les autres sanctions, notamment légales, de l’inexécution (exception d’inexécution, exécution forcée en nature, résolution judiciaire ou unilatérale, responsabilité contractuelle)[4].
Période juridiquement protégée.- Il s’agit de la période au cours de laquelle le jeu des astreintes et clauses susvisées est paralysé.
Cette période est fixée comme suit :
- Début de la période juridiquement protégée : le 12 mars 2020 ;
- Fin de la période juridiquement protégée : le 23 juin 2020 inclus.
Effet.- Les astreintes et clauses susvisées ne prennent pas cours ou ne produisent aucun effet si le délai imparti pour l’exécution de l’obligation expire pendant la période juridiquement protégée.
2. Alinéa 2 : « Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de [la période juridiquement protégée], égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée ».
Champ d’application.- Comme précédemment, il s’agit des astreintes et clauses susvisées qui auraient dû prendre cours ou produire effet au cours de la période juridiquement protégée.
Effet.- Après avoir prévu la suspension de ces astreintes et clauses (cf 1§), il est prévu que le délai imparti pour l’exécution de l’obligation dont l’expiration est survenue au cours de la période juridiquement protégée (et à l’expiration duquel les astreintes ou clauses susvisées auraient dû prendre cours ou produire leurs effets) est reporté, à l’issue de cette période, d’une durée égale à celle ayant couru au cours de ladite période juridiquement protégée.
3. Alinéa 3 : « La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période [juridiquement protégée], est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période ».
Champ d’application.- Il s’agit des astreintes et clauses susvisées qui prennent cours ou produisent effet après la période juridiquement protégée et qui sanctionnent la violation du délai imparti pour l’exécution d’une obligation autre que de somme d’argent.
Effet.- Le délai imparti pour l’exécution de l’obligation, autre que de somme d’argent, dont l’expiration surviendra après la période juridiquement protégée (et à l’expiration duquel les astreintes ou clauses susvisées devraient prendre cours ou produire leurs effets) est reporté d’une durée égale à celle ayant couru au cours de cette période.
4. Alinéa 4 : « Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période » juridiquement protégée.
Champ d’application.- Il s’agit des astreintes et clauses pénales qui ont pris cours ou ont produit effet avant la période juridiquement protégée.
Effet.- Les astreintes et clauses pénales susvisées voient leurs effets suspendus pendant la période juridiquement protégée. Elles recommenceront à prendre cours ou produire effet à l’issue de cette période juridiquement protégée.
5. A noter que les reports de prise d’effet des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses prévoyant une déchéance prévus par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 peuvent être écartés ou aménagés par la volonté des parties au contrat.
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[1] Cf article 1er de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
[2] Modifiée à deux reprises par les ordonnances n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 et n°2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19
[3] Cf article 1er de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période modifiée par l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire
[4] Voir en ce sens la fiche technique du Ministère de la justice : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/fiche_technique_interets_de_retard.pdf